Message de Noël du Doyen de l’Institut Saint-Serge

Chers étudiants, chers amis de l’Institut Saint-Serge,

En cette fin de la centième année d’ouverture de notre Institut, nous voici arrivés au solstice d’hiver, période la plus sombre de l’année, où les nuits sont les plus longues. C’est au cœur de l’hiver, alors que depuis des millénaires les hommes célébraient la renaissance de la lumière solaire, que l’Église a institué la fête de Noël, d’abord à Rome en 354, puis en Orient : elle fut fixée symboliquement au solstice d’hiver, soit le 25 décembre au calendrier julien, pour supplanter la fête païenne du Sol invictus (Soleil invaincu).

Avant la christianisation progressive de l’empire romain, tous saluaient déjà le solstice d’hiver : les Romains célébraient les Saturnales, les Égyptiens fêtaient la naissance du dieu solaire Osiris, et les Grecs la naissance de Dionysos, fils de Zeus, appelé « sauveur ». Désormais, les chrétiens, qui jusque-là fêtaient lors de la Théophanie (6 janvier) les grands événements de l’Incarnation du Fils de Dieu dans le monde, ont célébré spécifiquement la naissance de celui qui a pris chair du Saint-Esprit et de la Vierge Marie. Il ne s’agit pas de fêter l’« anniversaire » de Jésus, mais l’humble venue de Celui qui était attendu par les prophètes de l’Ancienne Alliance : « Le Soleil de Justice se lèvera pour vous qui craignez mon nom, et sur ses ailes Il portera le salut » (Malachie 3,17).

La grande différence avec les dieux mythiques païens assimilés au soleil, c’est que Jésus-Christ n’est pas une figure légendaire. Né alors que Quirinius était gouverneur en Syrie, il est mentionné par l’historien judéo-romain Flavius Josèphe et il sera crucifié sous Ponce Pilate, préfet de Judée. Par sa bienveillance envers sa création, Dieu n’a pas voulu laisser le monde aller vers sa perte, mais Il a conduit secrètement son plan de récapitulation de toutes choses « vers sa gloire et la vie de l’homme dans le Royaume des cieux » (Irénée de Lyon, AH IV, 20, 5). Le moment clé de ce plan divin était la venue parmi nous de son Fils : événement central de l’Histoire, nous sommes invités à célébrer en Église la Nativité du Christ, en déposant tous nos soucis face aux horreurs du monde, pour accueillir tous ensemble Celui qui est la Vie.

Le tropaire de Noël nous fait comprendre le sens inouï d’un tel événement :

« Ta Nativité, ô Christ notre Dieu, a fait resplendir dans le monde la lumière de la connaissance. En elle les serviteurs des astres, enseignés par l’étoile, apprennent à T’adorer, Toi, Soleil de Justice, et à Te connaître, Orient venu d’En-Haut ; Seigneur gloire à Toi ! »

Cette « lumière de la connaissance », qui désigne la grâce de l’Esprit Saint, dissipe nos ténèbres et permet aux hommes de reconnaître en Jésus celui que Dieu a envoyé comme Sauveur. Ainsi s’ouvre un dialogue priant avec Dieu, par lequel une théologie chrétienne authentique est possible.

Or, un moment fort de notre recherche théologique, cette année, aura été notre colloque annuel des 13-14 décembre consacré au « Mystère de l’Esprit Saint dans l’œuvre du salut » et partagé avec nos collègues de traditions catholique et luthéro-réformée. Il nous a permis de mesurer la place immense de l’Esprit Saint dans la diffusion et la réception du message de Vie dans le temps de l’Église, sans préjudice du respect de la liberté des personnes, car « là où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté » (2 Cor 3,15).

Le Dodécaméron, ces douze jours qui relient Noël, la « Petite Pâque », à la Théophanie, « fête des Lumières », offre une période festive unique, marquée par la lumière du Saint-Esprit. Le 1er janvier, huitième jour après Noël, sera célébrée la fête de la circoncision du Seigneur. Cela nous rappellera que qu’Il est né sous la Loi pour l’accomplir et la transfigurer : Il a instauré la nouvelle alliance en son Corps mais sans s’affranchir de l’ancienne alliance et de ses promesses. S’étant incarné en tant qu’homme masculin issu de David, Il devait être circoncis et recevoir son nom. Ce jour-là son sang coule et annonce déjà le sang versé sur la Croix. Ce jour-là aussi lui est donné son nom : Jésus, le Christ – l’oint de l’Esprit –, l’Emmanuel, c’est-à-dire « Dieu avec nous ».

Celui qui a accepté de naître dans une humble crèche d’animaux, puis d’être plongé dans les eaux du Jourdain, récapitule toute la création et porte sur lui le péché du monde pour purifier toutes choses. Ainsi l’Église, en tant que Corps du Christ, n’est pas seulement la communauté des appelés. Comme raccourci de l’univers renouvelé et icône du Royaume, elle est aussi la parure du monde et a elle-même le Christ pour parure.

Chers amis, veillons, dans cet Institut Saint-Serge, à déchiffrer humblement dans l’Esprit Saint la foi reçue des Apôtres et des Pères, et célébrons la présence du Christ incarné au milieu de son peuple. Cette conviction est au cœur de notre enseignement depuis un siècle et elle continuera à porter nos efforts dans notre mission.

Au nom de tous mes collègues, je vous présente nos vœux de paix, de joie et d’espérance pour les fêtes de Noël et de la Théophanie, et pour la Nouvelle Année, celle de notre Centenaire.

Michel Stavrou,
Doyen