Université de rentrée de l’Institut Saint-Serge (22-23 septembre 2016)

La dynamique panorthodoxe et le Saint et Grand Concile

C’est sur le thème de la conciliarité et du dialogue entre les Églises que l’Institut Saint-Serge a rouvert ses portes, les jeudi 22 et vendredi 23 septembre 2016 (voir l’album photos). Thème de prédilection de plusieurs générations de théologiens qui ont animé les recherches à l’Institut Saint-Serge pendant le XXe siècle, la notion de conciliarité a été envisagée sous différents aspects, au travers des interventions de plusieurs conférenciers.
Le P. Nicolas Cernokrak, Doyen de l’Institut Saint-Serge et Professeur de Nouveau Testament, a ouvert le colloque en saluant les participants et en se réjouissant de la reprise des cours à l’Institut, après une année de suspension et de réflexion. Il a accueilli chaleureusement Son Éminence Jean de Charioupolis, Archevêque des Églises orthodoxes de tradition russe en Europe occidentale, Exarque du Patriarche œcuménique. L’Archevêque Jean a encouragé les responsables de l’Institut à œuvrer avec foi pour l’enseignement et la recherche théologiques, éléments indispensables de la vie de l’Église.

 

La première conférence a été assurée par l’Archevêque Jean lui-même, qui a apporté un Point de vue sur le Concile. L’Archevêque, en effet, a été l’un des membres du Concile de Crète, au sein de la délégation du Patriarcat œcuménique. Les participants du colloque ont eu ce grand privilège d’entendre son récit du déroulement du concile, jour après jour, c’est-à-dire de la bouche même de l’un de ses membres. L’Archevêque Jean a non seulement commenté plusieurs décisions conciliaires finales, mais également donné des précisions sur la manière dont les débats se sont déroulés : essentiellement sereins, joyeux même, les débats ont eu lieu dans un climat de fraternité, malgré la diversité des langues et des traditions. Au terme de l’intervention du conférencier, l’assistance a demandé comment les participants du concile de Crète avaient réagi à l’absence des délégations de quatre Églises autocéphales (Antioche, Russie, Bulgarie, Géorgie). L’Archevêque Jean a répondu que ces absences, difficilement compréhensibles selon lui, ont été prises au sérieux par les primats des Églises ; tous ont émis le vœu que les Églises qui étaient absentes puissent se joindre au cheminement conciliaire dans l’étape actuelle de réception.

L’après-midi du jeudi, M. Michel Stavrou, professeur de Théologie des Dogmes, est intervenu sur La dynamique de réception du Concile panorthodoxe de Crète. Son intervention était divisée en deux parties : d’une part, un exposé sur les jalons historiques de la préparation du Concile panorthodoxe de Crète et, d’autre part, une analyse du sens du processus de réception qui ne fait que commencer. Le conférencier a souligné que la clôture du concile marquait l’accomplissement de la moitié du chemin, mais l’autre moitié reste à faire : dans les Églises locales, les documents approuvés par le concile doivent maintenant faire l’objet d’une prise de connaissance et d’un assentiment, tacite ou non, de ce qui a été décidé en Crète. Cette réception doit être critique dans le sens constructif du terme en faisant référence à la sainte Tradition ecclésiale, le peuple de Dieu, instruit par ses évêques, étant le gardien de la foi orthodoxe (encyclique des patriarches orientaux de 1848) ; et nul ne peut présager de ses résultats. Peut-être certains documents seront-ils mieux accueillis que d’autres. Seul l’avenir le dira, mais cet avenir est entre les mains des évêques locaux qui sont appelés à porter à la connaissance de leurs fidèles le résultat des délibérations conciliaires, notamment pour dissiper les rumeurs malveillantes des courants intégristes. L’absence de quatre Églises autocéphales n’entache pas le caractère panorthodoxe du concile. Le processus de retour à une vie ecclésiale plus conciliaire semble désormais irréversible ; en cela, le concile de Crète est un franc succès. Les participants ont posé la question du contenu des décisions conciliaires finales et ont voulu savoir ce qui, pour l’Église d’aujourd’hui, peut changer grâce aux décisions du concile de 2016. En somme, y a-t-il quelque chose à recevoir de ce concile ? Selon le conférencier, le document qui apparaît le plus original et novateur est celui qui traite de « La mission de l’Église orthodoxe dans le monde contemporain » ; en revanche, dans notre contexte de minorité chrétienne en Europe occidentale, le document sur la relation aux autres chrétiens ne suscite pas un grand enthousiasme : la question de l’engagement œcuménique demeure un point de tension entre les diverses Églises orthodoxes selon leur situation.

 

Le vendredi 23, au matin, le P. Christophe D’Aloisio, ancien élève de l’Institut Saint-Serge et professeur à l’Institut de Théologie orthodoxe Saint-Jean de Bruxelles, a donné une conférence sur Concile et catholicité de l’Église. L’intervention a porté principalement sur la théologie des conciles : l’exposé a consisté en une exploration des éléments néotestamentaires qui amènent à considérer la nature conciliaire de l’Église et le lien entre ecclésiologie et christologie. Le conférencier a donné une généalogie des formes conciliaires adoptées par les Églises à travers l’Histoire ; il apparaît que les synodes ou conciles sont des institutions essentielles de l’Église, mais qui prennent en considération le contexte historique : des invariants sont à retenir, mais des éléments contingents de l’Histoire ancienne ne sont probablement plus opérants pour aujourd’hui. Ce n’est pas en imitant les formes extérieures des conciles du premier millénaire que les orthodoxes d’aujourd’hui manifesteront la catholicité de l’Église, mais en s’inspirant de la démarche que l’Église a adoptée face aux défis de l’Histoire ancienne. L’intervention a mis particulièrement en valeur l’apport du théologien Nicolas Afanassieff (1893-1966), qui a été professeur à l’Institut Saint-Serge jusqu’à sa mort, il y a tout juste 50 ans.

Université de rentrée 2016

 

La conférence du vendredi après-midi a été assurée par le P. Jivko Panev, Maître de conférence en Tradition canonique et Histoire des Églises locales. Intitulée Préparation du Concile : 1923-2016, l’intervention s’est présentée sous forme d’une pièce en cinq actes. Le conférencier a analysé avec minutie l’histoire de la préparation du concile, depuis le milieu du XIXe siècle, jusqu’à ce jour ; il a enrichi son exposé de riches illustrations visuelles des XIXe, XXe et XXIe siècles, tout en regrettant que les sources du travail préconciliaire et conciliaire soient encore si éparses et difficiles d’accès. Il a abordé également les raisons réelles qui sont sous-jacentes à l’absence, en Crète, de certaines Églises autocéphales, en particulier le Patriarcat de Moscou.